
Avoir mal tout le temps, ou presque, jusqu’à organiser sa journée en fonction de la douleur. Se demander si c’est “normal”, si on exagère, si on va finir par “s’y faire”. Pour beaucoup de femmes, la douleur chronique fait partie du quotidien depuis des années, parfois depuis l’adolescence.
Bonne nouvelle : ce n’est pas une fatalité, et surtout ce n’est pas “dans votre tête”. La douleur chronique est une maladie à part entière, qui implique le système nerveux, les hormones, l’histoire de vie et le contexte social.
Dans cet article, on va poser les bases :
Qu’est-ce que la douleur chronique?
Pourquoi touche-t-elle davantage les femmes?
Et comment mieux l’accompagner.
On parle de douleur chronique lorsqu’une douleur persiste au-delà de trois à six mois mois, ou qu’elle revient régulièrement et impacte la vie quotidienne : sommeil, travail, vie sociale, sexualité, projet de maternité…
Contrairement à la douleur aiguë (une entorse, une fracture, une brûlure…) qui joue un rôle d’alarme et suit l’évolution de la lésion, la douleur chronique peut :
Continuer alors que les tissus ont déjà cicatrisé,
Apparaître sans blessure évidente, sur un terrain de vulnérabilité ou de maladie sous-jacente.
Les soignant·es distinguent trois grands types de douleur, qui se combinent souvent chez une même personne :
Douleur nociceptive : liée à une lésion ou une irritation des tissus (muscles, articulations, organes…). Les récepteurs de la douleur envoient un signal au cerveau. Dans la chronicité, ce signal peut continuer à se déclencher alors que la lésion initiale n’est plus là.
Douleur neuropathique : liée à une atteinte ou un dysfonctionnement du système nerveux (nerfs, moelle, cerveau). On retrouve souvent des brûlures, des décharges électriques, des fourmillements.
Douleur nociplastique (ou centralisée) : la douleur est amplifiée par le système nerveux central, sans lésion suffisante pour expliquer son intensité. C’est le cas de la fibromyalgie ou de nombreux syndromes douloureux “fonctionnels”.
Exemple typique : l’endométriose. Une même femme peut cumuler :
douleur nociceptive (inflammation, adhérences),
douleur neuropathique (irritation ou compression nerveuse),
douleur nociplastique (système nerveux central sensibilisé).
Comprendre ce mélange aide à construire une prise en charge multimodale cohérente, plutôt que de chercher le traitement “miracle” unique qui n’existe pas.
Les chiffres sont clairs : les femmes sont plus nombreuses à vivre avec une douleur chronique, et souvent dans des formes plus sévères. On estime qu’environ une femme sur trois est concernée.
Pour certaines pathologies, on retrouve deux à neuf femmes pour un homme. Et ces chiffres sont probablement sous-estimés, car les douleurs féminines sont encore trop souvent banalisées ou psychologisées, surtout lorsqu’elles sont liées au cycle.
D’autres facteurs aggravent la donne :
L’âge
Le contexte socio-économique
Le sous-diagnostic
“c’est normal d’avoir mal pendant les règles”, “vous êtes stressée”, “vous somatisez”… Résultat : la vraie charge de la douleur chronique chez les femmes est certainement supérieure aux statistiques.
La fibromyalgie, exemple de douleur centralisée
La fibromyalgie illustre bien la douleur nociplastique. On y retrouve :
douleurs diffuses “partout dans le corps”,
grande fatigue,
sommeil non réparateur,
parfois troubles digestifs, migraines, douleurs pelviennes, “brouillard cérébral”.
Les examens (bilan sanguin, imagerie) sont souvent normaux. Ce n’est pas que la douleur n’existe pas : c’est que le problème vient de la façon dont le système nerveux traite les informations. Le volume est réglé trop fort. Tout fait plus mal, et le corps n’arrive plus à “baisser le son”.
Pathologies gynécologiques douloureuses
Plusieurs maladies concernent presque exclusivement les femmes et peuvent entraîner des douleurs chroniques importantes :
Endométriose : présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus (ovaires, péritoine, ligaments…). Douleurs pelviennes, règles très douloureuses, douleurs pendant les rapports, troubles digestifs ou urinaires, difficultés de fertilité.
Adénomyose : tissu endométrial présent dans le muscle utérin. Règles abondantes, très douloureuses, fatigue, parfois symptômes compressifs.
SOPK (syndrome des ovaires polykystiques) : plus hormonal que douloureux en soi, mais souvent associé à fatigue, prise de poids, dérèglements métaboliques, image corporelle compliquée.
Point commun : des années de retard diagnostic car les examens ne montrent pas toujours de lésions spectaculaires, alors que la douleur est extrême. Beaucoup de femmes finissent par considérer ces douleurs comme “normales”. Ce n’est pas normal de perdre connaissance ou de vomir à chaque règle. Ce n’est pas “avoir un peu mal”, c’est un signal qu’il faut écouter.
Les fluctuations hormonales féminines (cycle, grossesse, post-partum, ménopause) modifient profondément la façon dont le corps gère la douleur.
Avant la ménopause, les variations d’œstrogènes et de progestérone peuvent parfois atténuer la douleur, parfois l’augmenter. Certaines femmes deviennent particulièrement sensibles avant ou pendant les règles.
À la ménopause, la chute des œstrogènes fragilise les os, modifie les tissus musculo-squelettiques et peut aggraver certains syndromes douloureux.
Les changements hormonaux influencent l’humeur, le sommeil, l’énergie : autant de facteurs qui participent au cercle vicieux douleur–fatigue–moral.
Les recherches récentes montrent aussi l’existence de mécanismes antidouleur activés par les hormones : certaines cellules immunitaires peuvent libérer des opioïdes naturels (enképhalines). Ce système est finement modulé par les hormones sexuelles féminines… et se dérègle en cas de stress chronique, de surcharge mentale ou de traumatisme.
Bref : ce que vous vivez n’est ni de la “fragilité”, ni un défaut de volonté. C’est le résultat d’interactions complexes entre biologie, système nerveux et histoire de vie.
Un des grands problèmes autour de la douleur chronique féminine, c’est la crédibilité accordée à la parole des femmes.
Les examens sont normaux ? La douleur est vite attribuée à l’anxiété, à la dépression, au caractère.
Les symptômes sont diffus, variables, liés au cycle ? Ils sont banalisés ou mis dans la case “psychologique”.
L’histoire inclut des violences, du stress intense, des traumatismes ? On parle de “somatisation”… sans toujours proposer d’aide adaptée.
Résultat : beaucoup de femmes se sentent non crues, minimisées, culpabilisées, alors même qu’elles vivent avec des douleurs sévères, parfois invalidantes.
Or, on sait aujourd’hui que :
les traumatismes psychiques (notamment les violences conjugales ou sexuelles) augmentent le risque de douleur chronique ;
la douleur chronique et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) partagent des mécanismes communs d’hypervigilance et de circuits de la peur suractivés ;
la charge mentale, la précarité, l’isolement social entretiennent la douleur.
Parler de tout cela en consultation n’est pas un luxe : c’est une partie du traitement.
La prise en charge moderne de la douleur chronique s’appuie sur un modèle biopsychosocial : on tient compte du corps, du système nerveux, de la psyché et du contexte de vie.
Elle peut inclure :
Un suivi médical de base avec le ou la médecin traitant·e, qui coordonne les bilans et oriente si besoin vers des spécialistes ou des centres de la douleur.
Des approches non médicamenteuses structurées :
thérapies cognitivo-comportementales (TCC), ACT, thérapies centrées trauma : pour travailler le catastrophisme, la culpabilité, les peurs liées à la douleur ;
psycho-éducation : comprendre les mécanismes de la douleur diminue la peur et donne des outils ;
thérapies physiques : kiné, activité physique adaptée, parfois ostéopathie, yoga, relaxation, respiration… Le mouvement régulier a un effet antalgique, anxiolytique et antidépresseur.
Des traitements médicamenteux raisonnés : antalgiques, traitements des douleurs neuropathiques, traitements hormonaux dans certaines douleurs gynécologiques, en limitant l’usage des opioïdes.
À cela s’ajoute l’exploration des freins concrets : conditions de travail, horaires, charge domestique, éventuelles violences, isolement. On ne demande pas à la patiente de “faire plus d’efforts” sans l’aider à alléger ce qui l’épuise.
Enfin, les associations de patientes jouent un rôle clé :
on y trouve souvent pour la première fois une phrase simple et essentielle :
“Ce que vous vivez est réel, et vous n’êtes pas seule.”
Elles offrent du soutien, des informations fiables, des espaces de partage, et participent à faire évoluer les pratiques de soins.
La douleur chronique chez la femme n’est ni un caprice, ni un manque de résistance, ni un simple “problème gynéco”. C’est une réalité complexe, à la croisée des hormones, du système nerveux, de l’histoire de vie et des inégalités de genre.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui de nombreuses pistes de prise en charge pour redonner du pouvoir aux patientes : comprendre ce qui se passe, être crue, être accompagnée, retrouver du mouvement et des activités qui font sens, même si la douleur ne disparaît pas totalement.
Si vous vous reconnaissez dans ces lignes, ce n’est pas “vous qui êtes trop sensible”. C’est le moment, au contraire, de prendre votre douleur au sérieux et de vous entourer d’une équipe qui la prendra au sérieux avec vous.

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